Le Parlement européen l'a décidé en 2013 : les cigarettes aromatisées, et plus particulièrement les mentholées, seront interdites dès 2014. La loi laissant un sursis de 8 ans aux cigarettiers, elle sera applicable en 2023. Pourquoi cette loi ?
Les additifs parfumés augmentent la toxicité du tabac
Présents dans les cigarettes depuis les années 70, les additifs constituent jusqu'à 10% du poids d'une cigarette et augmentent la toxicité de la fumée :
- Les cigarettes sont plus cancérogènes : les additifs augmentent de plus de 20% la production de produits susceptibles de provoquer un cancer (arsenic, formaldéhyde, cadmium ou plomb)
- La fumée est plus irritante à cause des additifs : «leur ajout augmente le nombre de particules fines respirées, ce qui est délétère pour la santé puisque celles-ci favorisent les risques d’inflammations des voies respiratoires»
- Leur goût plus doux, plus frais, masque l'âpreté du tabac et incite à fumer davantage et à inhaler plus profondément la fumée : les particules toxiques pénètrent donc plus profondément dans les poumons, ce qui entraîne l'apparition de cancers distaux, c'est-à-dire de cancers des alvéoles et des petites bronches, qui sont très difficiles à traiter
LE MENTHOL ET LES SUCRES : ADDITIFS À SUPPRIMER EN PRIORITÉ
Le menthol et les sucres favorisent l'initiation à cause de leur goût plus agréable et augmentent la dépendance et l'addiction au tabac :
Le menthol :
- il "favorise l’absorption de la nicotine au niveau de la bouche et du larynx par l’augmentation de la perméabilité des muqueuses et par la stimulation de la production de salive, et au niveau pulmonaire par un effet bronchodilatateur » (Semira Gonseth, spécialiste des additifs à l’université de Lausanne)
- «il produit plus de particules fines dans la fumée, ce qui augmente le risque cardiaque» (Stacey Anderson, de l’université de Californie)
- il a un effet anesthésiant sur les voies aériennes
Les sucres :
- ils produisent des particules chimiques appelées aldéhydes (formaldéhyde, acétaldéhyde, …) et des inhibiteurs de monoamine-oxydases qui potentialisent la dépendance à la nicotine
QU'EN EST-IL DES AUTRES PARFUMS ?
Ils sont également dangereux : le cacao et la réglisse, par exemple, dilatent les bronches et favorisent donc la pénétration des particules cancérigènes dans les poumons.
POURQUOI LES FABRICANTS DE CIGARETTES AJOUTENT-ILS DES ADDITIFS ?
Pour séduire par un goût plus agréable une population plus jeune et plus féminine, et pour masquer la dangerosité du tabac sous une apparente "légèreté" des cigarettes.
Le 1er danger du tabac vient de la nicotine. Les cigarettiers ont donc cherché à réduire ce taux. Mais c'est la nicotine qui crée l'addiction, et donc qui leur assure une emprise sur les fumeurs rendus dépendants, et en fait des clients "à vie".
Ils ont donc trouvé des additifs qui renforcent l'action de la nicotine : ainsi, ils peuvent afficher sur les paquets un taux de nicotine réduit, mais dont l'effet sera identique, voire plus fort, qu'un taux plus important sans additifs.
C'est le rôle que jouent par exemple l'ammoniac et le menthol. En effet, les chercheurs ont démontré que «le menthol agit en synergie avec le système nerveux central, ce qui permet de diminuer le contenu en nicotine sans modifier le pouvoir “addictogène” du tabac».
Quant aux sucres, les fabricants de cigarettes en usent et en abusent puisqu'ils constitueraient 10% de certains tabacs à rouler et plus de 35% de certains tabacs de narguilé. Jean-Pol Tassin, spécialiste des mécanismes de l’addiction au Collège de France, va jusqu'à suggérer que sans sucres, il n'y aurait peut-être pas d'addiction à la nicotine !
LES CIGARETTIERS CONNAISSENT-ILS BIEN TOUS CES DANGERS ?
La réponse est oui ! L'industrie du tabac fait de nombreuses études sur le sujet … mais s'arrange avec les résultats !
Ainsi, il arrive souvent que les scientifiques chargés de ces études soient en fait payés par les industriels eux-mêmes, tout comme que les revues qui publient les résultats. En voici un exemple :
Philip Morris a racheté dans les années 80 un laboratoire allemand, Inbifo, qui a mené à la fin des années 90 des recherches sur la toxicité des saveurs ajoutées et a publié en 2002 dans la revue Food and Chemical Toxicology des articles concluant qu'aucune preuve de toxicité n'avait pu être établie. Or, cette revue avait pour rédacteur en chef un conseiller scientifique de Philip Morris, et 11 membres de son comité éditorial avaient des liens financiers avec le cigarettier …
L'étude était donc biaisée d'abord parce qu'elle était faite dans un laboratoire appartenant à Philip Morris, puis parce que ses résultats ont été publiés dans une revue appartenant aussi au cigarettier. Le tout sous l'apparence de la caution scientifique.
Refaite par des chercheurs indépendants, l'analyse a prouvé la dangerosité des additifs.
Lire également :
Action du tabac sur notre organisme
Fumer tue : pourquoi ?
Idées reçues sur le tabagisme
Les jeunes et le tabac
Dépendance et génétique
Sources :
Sciences et Avenir (n° 784)
PLoS Med 8(12): e1001145. doi :10.1371/journal.pmed.1001145 « The Toxic Effects of Cigarette Additives. Philip Morris’ Project Mix Reconsidered : An Analysis of Documents Released through Litigation » et Legacy Tobacco Documents Library.
" Le Rideau de fumée : les méthodes secrètes de l'industrie du tabac " de Gérard Dubois, Éditions du Seuil