L’allaitement en tandem : nourrir deux bébés d’âges différents

L’allaitement en tandem consiste à allaiter simultanément deux enfants d’âges différents. Cette pratique, plus répandue qu’on ne le pense, répond aux besoins nutritionnels et affectifs des deux enfants. Les mères qui choisissent cette voie font face à des défis particuliers mais témoignent aussi de bénéfices significatifs pour toute la famille. Cet article explore les réalités physiologiques et pratiques de l’allaitement en tandem.

Qu’est-ce que l’allaitement en tandem ?

L’allaitement en tandem désigne le fait d’allaiter deux enfants d’âges différents simultanément. Cette situation survient généralement quand une mère attend un nouvel enfant alors qu’elle allaite encore son aîné. Environ 20% des mères qui allaitent continuent pendant leur grossesse, selon l’enquête Epifane 2023. Parmi elles, près de la moitié poursuivent l’allaitement après la naissance du cadet.

Le corps maternel s’adapte remarquablement à cette demande. Après l’accouchement, la production de lait augmente naturellement pour répondre aux besoins des deux enfants. Le lait maternel change également de composition pendant la grossesse puis revient à sa forme de colostrum après la naissance.

Comment le corps s’adapte-t-il physiologiquement ?

La production de lait fonctionne selon le principe de l’offre et de la demande. Plus les seins sont stimulés, plus ils produisent de lait. Une étude publiée dans le Journal of Human Lactation montre que les mères qui allaitent en tandem produisent en moyenne 1000 à 1500 ml de lait par jour, contre 750 ml pour celles qui allaitent un seul bébé.

Le sein produit différents types de lait simultanément. Le nouveau-né reçoit le colostrum riche en anticorps dont il a besoin, tandis que l’aîné bénéficie d’un lait plus mature. Cette capacité d’adaptation témoigne de la sophistication biologique de l’allaitement.

L’ocytocine, l’hormone responsable de l’éjection du lait, joue également un rôle crucial. Sa libération plus fréquente favorise l’attachement avec les deux enfants et contribue au bien-être maternel.

Quels sont les bénéfices pour la famille ?

L’allaitement en tandem renforce les liens entre les frères et sœurs. L’aîné vit moins intensément la jalousie liée à l’arrivée du cadet puisqu’il conserve ce moment privilégié avec sa mère. Une recherche menée par l’anthropologue Katherine Dettwyler suggère que cette pratique facilite l’adaptation de l’aîné à son nouveau rôle de grand frère ou grande sœur.

Pour la mère, cette continuité représente souvent un moyen d’accompagner l’aîné dans ce changement familial majeur. Le sevrage forcé peut parfois générer des tensions émotionnelles évitables.

Du point de vue immunologique, l’aîné continue de bénéficier des anticorps maternels. Cet avantage prend une importance particulière quand le nouveau-né ramène à la maison des germes de la maternité.

Quelles difficultés peuvent survenir ?

L’allaitement en tandem demande beaucoup d’énergie. Une mère qui allaite deux enfants a besoin d’environ 800 calories supplémentaires par jour et doit veiller à son hydratation. L’Association Française des Consultantes en Lactation recommande une alimentation riche et variée ainsi qu’une consommation d’au moins 2,5 litres d’eau quotidiennement.

La fatigue constitue le défi principal. Allaiter un nouveau-né déjà exigeant tout en répondant aux besoins d’un enfant plus âgé peut s’avérer épuisant. L’organisation du temps devient primordiale.

Certaines mères éprouvent également une aversion pendant la grossesse ou après l’accouchement. Ce phénomène, connu sous le nom de « nursing aversion », touche environ 40% des femmes qui allaitent pendant la grossesse selon une étude australienne de 2018.

Comment gérer l’allaitement au quotidien ?

L’établissement de routines aide considérablement. Beaucoup de mères choisissent d’allaiter les deux enfants en même temps pour gagner du temps. D’autres préfèrent des moments séparés pour préserver l’intimité avec chacun.

Les positions d’allaitement doivent s’adapter. La position en ballon de rugby fonctionne bien pour allaiter simultanément, tandis que la position allongée offre du repos à la mère fatiguée.

Impliquer le partenaire ou l’entourage devient essentiel. L’aîné peut être encouragé à patienter quand le nouveau-né tète, en partageant d’autres activités avec un adulte disponible.

Comment gérer le tirage de lait en situation de tandem ?

Le tirage de lait représente un défi particulier pour les mères allaitant en tandem. Le lait maternel étant parfaitement adapté aux besoins de chaque enfant, une question se pose souvent : quel lait donner à qui ?

En réalité, le lait maternel s’adapte principalement au stade de lactation et non à l’âge de l’enfant. Selon une étude du Journal of Pediatrics, la composition du lait varie davantage en fonction du moment de la tétée que de l’âge du bébé. Le lait tiré convient donc généralement aux deux enfants.

Pour optimiser l’adaptation, certaines professionnelles recommandent d’étiqueter les biberons avec la date et l’heure du tirage. Le lait du matin, plus riche en lactose, peut être préféré pour les moments d’éveil. Celui du soir, contenant plus de graisses et de mélatonine, favorise le sommeil.

La priorité reste néanmoins le nouveau-né si les quantités sont limitées. Leurs besoins nutritionnels sont entièrement dépendants du lait maternel, contrairement à l’enfant plus âgé qui consomme généralement d’autres aliments. Un nourrisson consomme en moyenne 750 ml de lait par jour, quantité à garantir en priorité.

Que disent les professionnels de santé ?

Les avis médicaux ont évolué. Autrefois découragée, cette pratique est aujourd’hui mieux comprise. L’Organisation Mondiale de la Santé reconnaît sa faisabilité dans son rapport de 2020 sur l’allaitement prolongé.

La Haute Autorité de Santé française ne contre-indique pas l’allaitement pendant la grossesse sauf en cas de risque d’accouchement prématuré. La stimulation des mamelons peut en effet provoquer des contractions, mais les études récentes montrent que chez les femmes sans facteurs de risque, l’allaitement n’augmente pas significativement le risque d’accouchement prématuré.

Le suivi par un professionnel formé en lactation reste recommandé. Une consultante en lactation peut aider à résoudre les difficultés spécifiques et rassurer la mère sur sa capacité à nourrir ses deux enfants.

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