La grippe est une maladie des voies respiratoires supérieures et inférieures d’origine virale. Elle est très contagieuse et évolue sur un mode épidémique. Les épidémies sont fréquentes dans les établissements regroupant des personnes âgées.
En outre le sujet âgé, en particulier s’il vit en institution, est un sujet à haut risque de complications. D’ailleurs les personnes âgées et les pensionnaires d’établissements pour personnes âgées ou handicapées appartiennent aux groupes prioritaires pour la vaccination antigrippale définis par l’Organisation Mondiale de la Santé pour éviter les formes graves de grippe.
Le sujet âgé, principale victime des épidémies de grippe
Le taux d’attaque de l’infection grippale chez le sujet âgé de plus de 60 ans s’élève à 6,17 %, alors qu’il est de 1 % dans la population générale. Le regroupement en collectivité favorise la contagion, puisque la transmission inter-humaine de la grippe se fait par le biais des gouttelettes de salive et des sécrétions respiratoires.
Un diagnostic parfois trompeur chez les seniors
Chez le sujet âgé, les myalgies, le coryza et les frissons sont moins fréquents que chez le sujet jeune. La dyspnée, en revanche, est plus fréquente. L’association toux-expectoration-dyspnée est présente dans plus de 90 % des cas. Des signes peuvent induire en erreur : confusion mentale, déshydratation, chutes, anorexie, troubles digestifs.
Dans un contexte épidémique, face à des patients âgés qui présentent des tableaux cliniques variés associant des signes généraux (fièvre élevée, malaise général, courbatures, céphalées) et des signes respiratoires (de la rhinite à la pneumopathie), certaines associations de signes sont évocatrices de la grippe. Une fièvre accompagnée de myalgies est ainsi prédictive de la grippe dans 41 % des cas. Un tableau clinique de début brutal associant fièvre et toux l’est dans 30 % des cas.
La grippe ne peut être distinguée sur les seuls signes cliniques d’autres affections respiratoires virales (notamment par le virus respiratoire syncytial ou le myxovirus parainfluenza). Un diagnostic virologique rapide est essentiel lors des épidémies survenant dans des collectivités gériatriques, pour mettre en oeuvre les mesures de prévention. Il est également souhaitable en présence de complications.
Des complications fréquentes et graves
Les complications de la grippe, liées à l’action du virus grippal ou à une infection bactérienne favorisée par la grippe (pneumonie bactérienne notamment), sont fréquentes chez le sujet âgé.
Plus d’un tiers des sujets âgés de plus de 70 ans présentent d’emblée une complication lors du diagnostic de grippe. Parmi les personnes âgées grippées, 85,5 % sont atteintes de surinfections respiratoires basses, 2 à 9 % sont hospitalisées en raison d’une pneumonie.
La grippe est la première cause de mortalité infectieuse des plus de 75 ans, chez qui elle occasionne en France 7 600 décès chaque année (2,4 % des décès annuels). La quasi-totalité (95 %) des décès liés à la grippe surviennent chez les personnes âgées de plus de 65 ans et 85 % chez les plus de 75 ans.
L’atteinte pulmonaire est susceptible de dégénérer en insuffisance respiratoire voire d’entraîner un syndrome de détresse respiratoire aiguë en rapport avec un oedème lésionnel.
Cependant la défaillance cardiorespiratoire est le plus souvent liée à une maladie cardiaque ou pulmonaire sous-jacente.
L’hospitalisation est fréquente chez le sujet âgé de plus de 65 ans (185 hospitalisations pour 100 000 cas de grippe), en particulier chez le sujet à risque (1 800 hospitalisations pour 100 000 cas).
Nombre d’hospitalisations imputables à la grippe pour 100 000 individus aux différents âges de la vie
(Age : Nombre de personnes hospitalisées)
- Moins de 6 mois : 1000
- Moins de 2 ans : 150
- 15 ans à 65 ans, sans risque : < 1-80
- 15 ans à 44 ans, avec risque : 210
- 44 ans à 65 ans, avec risque : 560
- > 65 ans, sans risque : 185
- > 65 ans, avec risque : 1800
Un retentissement fonctionnel important
Si la grippe est sévère, un sujet âgé fragilisé par une ou plusieurs autres pathologies risque d’être alité, de réduire ses apports hydriques et alimentaires. Il aura besoin d’une aide pour effectuer les gestes de la vie quotidienne. Les conséquences sont potentiellement graves :
maladie veineuse thromboembolique, malnutrition, troubles de la marche et chutes, escarres de décubitus.
Un déclin fonctionnel est constaté dans les semaines qui suivent une grippe chez les personnes âgées vivant en institution.
La vaccination antigrippale, un geste indispensable
La prévention de la grippe repose principalement sur l’administration du vaccin grippal. En France lors de la saison grippale 2004-2005, la couverture vaccinale des personnes âgées de 65 ans et plus atteignait 63,9 % (Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés) alors que celle de la population générale était de 22,6 % seulement (enquête TNS Sofres).
La vaccination réduit la morbidité et la mortalité de la grippe chez les personnes âgées et chez celles qui sont atteintes de maladies chroniques. Ainsi, elle diminue le risque de survenue d’une pneumonie ou d’aggravation d’une maladie cardiovasculaire ou pulmonaire sous-jacente.
La vaccination antigrippale réduit de 30 à 50 % la mortalité toutes causes confondues chez les personnes âgées de 65 ans et plus en période de circulation de virus grippaux. Chez les sujets âgés vivant dans un établissement de soins, elle réduit la survenue de décès de 68 %. Pour les seniors vivant à domicile, la mortalité, quelle qu’en soit la cause, est diminuée de 50 % et la mortalité post-hospitalisation pour pneumonie et grippe de 47 %.
Chez les sujets âgés vivant dans un établissement de soins, la vaccination réduit la survenue d’une pathologie respiratoire de 56 %, d’une pneumonie de 53 % et d’une hospitalisation de 50 %. Pour les sujets âgés vivant à leur domicile, elle diminue la survenue d’un syndrome grippal de 35 % et l’hospitalisation pour pneumonie et grippe de 33 %.
Le traitement anti-viral : spécifique et efficace
Les inhibiteurs de la neuraminidase sont efficaces contre les virus grippaux de type A et de type B, alors que l’amantadine n’est active que sur les virus de type A. Parmi les antiviraux actuellement disponibles en France, certains sont administrés par inhalation, d’autres présentent l’avantage d’être disponibles sous forme orale. Ils sont indiqués chez la personne âgée pour la prophylaxie comme pour le traitement de la grippe.
En traitement curatif, les études cliniques montrent que l’antiviral ne diminue pas la durée médiane de la grippe, mais en revanche réduit la durée totale de la fièvre d’1 jour et l’incidence des complications des voies respiratoires basses (principalement bronchites) traitées par antibiotiques.
Le profil de tolérance des antiviraux oraux chez les personnes âgées est semblable à celui des adultes âgés de moins de 65 ans. La tolérance est globalement bonne. Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés sont essentiellement des troubles digestifs : nausées, vomissements et douleurs abdominales, la plupart spontanément résolutifs en 24 à 48 heures.
Grippe en collectivités
La prise en charge de la grippe dans les collectivités fait l’objet de recommandations du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France.
La vaccination des résidents doit être effectuée avant la circulation du virus. Celle du personnel soignant est fortement recommandée car il représente la porte d’entrée naturelle du virus. Or la couverture vaccinale du personnel n’est que de 38 % et le personnel est très réticent (41 % ne se sont jamais vaccinés).
En période de circulation virale et dès les premiers cas de grippe, le diagnostic clinique doit être confirmé par une identification virologique. Un test de diagnostic virologique rapide doit être pratiqué en cas de survenue en 3 jours d’au moins 2 cas de syndrome grippal pendant la
période de circulation du virus grippal dans la région, chez des résidents ou le personnel de l’institution.
Une épidémie de grippe survenant en collectivité doit faire l’objet d’une déclaration aux autorités sanitaires départementales (DDASS).
En cas d’épidémie déclarée, dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), des mesures limitant la progression de l’épidémie doivent être prises.
Elles comprennent notamment :
- Résidents atteints : isolement (chambre simple ou chambre double en réunissant deux résidents atteints, éviter la circulation dans les espaces collectifs, retarder les admissions de nouveaux résidents prévues dans les secteurs touchés par l’épidémie, aérer régulièrement la pièce, utilisation de mouchoirs en papiers à usage unique, lavage des mains, port du masque recommandé mais rarement possible).
- Résidents non atteints : vaccination et prophylaxie médicamenteuse. Il est possible de vacciner même au début de l’épidémie les sujets non encore vaccinés en période hivernale. Si le diagnostic de grippe a été confirmé par les examens virologiques, les sujets contacts doivent recevoir un traitement antiviral à visée prophylactique. L’oseltamivir est le médicament de choix (actif sur les virus grippaux de type A et B, forme orale). L’oseltamivir en traitement prophylactique après exposition arrête l’épidémie dans 8 établissements sur 10 en milieu institutionnel. En milieu institutionnel avec un taux de vaccination de 80 % et en période épidémique, l’oseltamivir administré pendant 6 semaines réduit de 92 % l’incidence de la grippe.
- Personnel soignant : vaccination (recommandée mais pas obligatoire), application rigoureuse des mesures d’hygiène, port de masque, arrêt de travail pour le personnel non vacciné qui présente un syndrome grippal, sinon port du masque obligatoire.
- Visiteurs : informer, éviter les visites inutiles dans les chambres de malades, mesures d’hygiène (lavage soigneux des mains, après chaque contact, distribution de masques).