Intoxication par le plomb

Définition

Définition

Le plomb est un métal lourd d'un gris bleuté toxique pour l'humain. L'ingestion de plomb ou de sels de plomb provoque une intoxication qui peut être aiguë ou chronique, professionnelle ou domestique.
Cette intoxication par le plomb ou ses composés est appelée saturnisme.

Généralités

Le plomb, ses vapeurs ou ses sels peuvent pénétrer dans l'organisme par voie digestive ou respiratoire.

 Les effets les plus graves de l'ingestion de plomb s’exercent sur :

  • le système nerveux central
  • les globules rouges
  • le système digestif

Historique

Le plomb est utilisé dans l'industrie et dans la fabrication de produits domestiques depuis de nombreux siècles, et les pathologies liées à son intoxication sont aussi anciennes.

 

Classification

On distingue :

  • Le saturnisme aigu (très rare) qui est une intoxication rapide se caractérisant entre autres par des douleurs abdominales.
  • Le saturnisme chronique à l'origine d'une atteinte neurologique.

Symptômes

Symptômes

Symptômes d'une intoxication par le plomb

  • irritabilité
  • léthargie (ralentissement de l'activité pouvant aller jusqu'au sommeil continu)
  • douleurs abdominales : coliques de plomb
  • anorexie (perte de l'appétit)
  • anémie
  • atteinte du système nerveux central à type d'ataxie (perte de coordination des mouvements), et de troubles de l'élocution.
  • dans les cas les plus graves, on constate parfois la survenue de convulsions, de coma et quelquefois la mort causée par l'insuffisance de fonctionnement de la filtration rénale et par la présence d'un oedème au cerveau.
     
  • Chez l'enfant, quand le taux de plomb dans le sang est supérieur à 4 micromoles par litre, on constate quelquefois :
    • une encéphalopathie saturnine :
      • maux de tête
      • ataxie (incoordination des mouvements sans atteinte de la force musculaire, due à une atteinte du système nerveux central)
      • confusion
      • toubles de la mémoire
      • convulsions
      • crises oculogyres (plafonnement des yeux)
      • retard mental
      • retard de développement cognitif (développement intellectuel)
      • troubles du comportement
      • troubles de l'équilibre
      • surdité
      • aphasie : perte partielle ou totale de la faculté de s'exprimer et de comprendre le langage, qu'il soit parlé ou écrit. L'aphasie est également le décalage entre l'idée que le malade veut exprimer, et celle qu'il exprime vraiment.
         
    • un syndrome de Fanconi : déficit de fonctionnement de la moelle osseuse (aplasie médullaire) à l'origine d'une diminution du nombre des leucocytes (globules blancs), et des plaquettes. Cette maladie se manifeste aux alentours de 6 ans, et s'associe à des malformations diverses (pigmentation de la peau, retard de croissance, anomalie des os de la main, malformation cardiaque parfois, malformations oculaires et rénales, retard de la puberté). Son évolution est fatale aux alentours de 20 ans, suite à des infections ou à des hémorragies par transformation en leucémie aiguë. Ceci est d'autant plus vrai que l'exposition au plomb a lieu aux environs de l'âge de 2 ans, et qu'elle est prolongée.

 

Symptômes du saturnisme aigu de l'adulte 

  • gastro-entérite aiguë et violente
  • ptyalisme : salivation excessive
  • douleurs abdominales appelées coliques de plomb (douleurs intenses)
  • constipation
  • vomissements (plus rarement)
  • hypothermie (diminution de la température corporelle)
  • atteinte de l'appareil urinaire à type de tubulonéphrite aiguë s'accompagnant d'anurie (absence d'urine).

L'évolution peut se faire vers un état de choc au cours duquel certains organes ne sont plus aptes à assurer leur fonction essentielle.

 

Symptômes du saturnisme chronique ou subaigu (ayant les caractéristiques du saturnisme aigu sans en avoir la gravité) de l'adulte

Le patient présente d'abord ce que l'on appelle des prodromes, c'est-à-dire des signes précédant l'apparition de la maladie :

  • fatigue intense associée à une pâleur importante
  • céphalées (maux de tête)
  • troubles digestifs avec essentiellement une constipation tenace
  • troubles génitaux à type d'impuissance chez l'homme, et d'avortements spontanés chez la femme

Puis s'installent des symptômes atteignant différents organes en relation directe avec l'absorption excessive de plomb par l'organisme :

  • Appareil digestif et bouche :
    • présence du liseré de Burton, qui apparaît au niveau des gencives : de coloration violacée ou noirâtre, il se situe au niveau du collet des dents (insertion des dents), sur les canines essentiellement
    • pyorrhée dentaire (écoulement de pus)
    • glandes salivaires gonflées et douloureuses
    • ulcères de l'estomac et du duodénum
    • coliques de plomb : douleurs abdominales violentes ressenties essentiellement au niveau du nombril. Elles durent généralement quelques heures mais parfois plus (quelques jours). Elles s'accompagnent d'autre part d'une constipation opiniâtre. Il est parfois difficile de faire la différence avec une subocclusion (état proche de l'occlusion, c'est-à-dire de l'arrêt du passage des gaz et des matières)
       
  • Système nerveux central :
    • neuropathies périphériques (atteintes des nerfs périphériques) : elles sont indolores et concernent la motricité. Ce sont les nerfs extenseurs des doigts qui sont atteints. On dit que le malade fait les cornes. Quelques patients présentent une atteinte généralisée beaucoup plus rare
       
  • Appareil urinaire :
    • Néphropathie chronique hypertensive
       
  • Appareil cardio-vasculaire :
    • Elévation de la pression artérielle
       
  • Muscles et articulations :
    • Douleurs

 

Physiopathologie

L'absorption du plomb par le système digestif est d'autant plus importante que le sujet est à jeun. Elle est également importante chez les personnes qui présentent une carence en aliments, en calcium, en zinc ou en fer
​Quand le plomb se trouve sous forme de sulfure (composant que l'on retrouve essentiellement dans les déchets des mines de plomb), l'absorption est moins importante.

Une fois le plomb absorbé, il passe par la circulation sanguine puis traverse certaines membranes comme la barrière hémato-encéphalique (protection se situant entre le sang et le système nerveux central), et le placenta. Puis il s'accumule dans les tissus durs (os) et dans les tissus mous (muscles, peaux, viscères).
La plus grande partie du plomb est absorbée et captée par les globules rouges, où il se lie à l'hémoglobine (constituant interne du globule rouge permettant le transport de l'oxygène) ainsi qu'à d'autres composants du sang. C'est la raison pour laquelle le plomb est mesuré dans le sang total, et non pas uniquement dans le sérum, qui est la partie liquidienne du sang de laquelle on a retiré les éléments figurés (globules rouges, globules blancs, plaquettes). 

Le plomb est également absorbé par le squelette, qui contient environ 90 % de la quantité totale du plomb de l'organisme. 

L'élimination du plomb se fait essentiellement à travers les urines et dans les selles.

Le plomb est susceptible de rester (demi-vie) plus ou moins longtemps dans certains organes, selon le type de tissu : il persiste plus de 25 ans dans l'os, 40 jours dans les tissus mous, 25 jours dans le sang

Chez l'enfant, qui absorbe jusqu'à 50 % de la quantité de plomb ingérée (alors que l'adulte n'en absorbe que 10 à 20 %), le dosage de la plombémie va permettre de déterminer s'il s'agit d'un sujet à risque.
On admet qu'à partir de 100 microgrammes par litre (soit 0,48 micromole par litre), l'enfant doit être surveillé et éventuellement soustrait à l'intoxication quand on en a déterminé la source.  A partir de 700 microgrammes par litre (soit 3,4 micromoles par litre), il est nécessaire d'effectuer un traitement dans un service hospitalier spécialisé.

Examen médical

Labo

Les tests permettant de doser le plomb dans le sang sont peu à peu devenus plus courants et moins coûteux, ce qui a facilité la surveillance du taux de plombémie (taux de plomb dans le sang).
Les analyses de sang révèlent :

  • protéinurie : présence de protéines dans les urines
  • hématurie microscopique : présence de globules rouges dans les urines
  • cylindrurie : agglutination dans les urines de protéines de différentes origines (anciens globules rouges, anciens globules blancs et autres protéines) qui vont se rassembler sous la forme de petits cylindres microscopiques
  • glycosurie : présence de sucre dans les urines
  • hyperuricémie : excès acide urique dans le sang.
  • polyglobulie : élévation du nombre des globules rouges dans le sang, puis …
  • anémie modérée : présence de 10 à 12 g d'hémoglobine.
  • les globules rouges contiennent des grains basophiles (mis en évidence par une coloration basique). Leur densité se situe autour de 0,5 à 10 pour 1000.
  • présence d'hématies nucléées (globules rouges avec des noyaux) : habituellement les globules rouges ne possèdent pas (à l'état adulte) de noyau.
  • réticulocytose : élévation des réticulocytes, qui sont des globules rouges jeunes, ne possédant pas de noyau et se trouvant au stade intermédiaire entre l'érythroblaste (précurseur de globules rouges) et le globule rouge adulte.
  • anisocytose : présence de globules rouges anormaux contenant des éléments de dimensions extrêmement variables au lieu d'être tous semblables (de la même dimension).

La plombémie (dosage du plomb dans le sang), évidemment nécessaire, doit s'effectuer dans un verre spécial.

  • plombémie normale chez les sujets non exposés : < 200 microgrammes par litre soient 0,96 micromoles par litre
  • plombémie normale chez les sujets exposés : > 200 microgrammes par litre soit > 0,96 micromoles par litre
  • plombémie en cas d'intoxication : > 500 microgrammes par litre soit > 2,4 micromoles par litre
  • étant donné que le plomb a une réelle nocivité sur l'hémoglobine contenue par les globules rouges, le test de la protoporphyrine érythrocytaire libre (P. E. L.) permet d'évaluer les effets toxiques sur la synthèse de l'hème (qui est la partie contenant le fer permettant le transport de l'oxygène).
  • un autre marqueur précoce de l'intoxication saturnine est la protoporphyrine-zinc (P. P. Z.). En effet, le plomb empêchant la liaison du fer avec la protoporphyrine, permet à la protoporphyrine érythrocytaire de fixer le zinc et de former une protoporphyrine-zinc. Les valeurs sont inférieures à 3 microgrammes par gramme d'hémoglobine.

La plomburie (dosage du plomb dans les urines) doit normalement être inférieure à 80 microgrammes par 24 h. Quand l'excrétion urinaire est supérieure à 250 microgrammes par 24 h et à condition que la coproporphyrine urinaire soit supérieure à 250 microgrammes pour 24 h, il s'agit d'une intoxication saturnine réelle.

  • l'acide aminolévulinique urinaire est augmenté

L'examen de la moelle osseuse montre une hypersidérémie (excès de fer).

Examen complémentaire

La ponction lombaire permet de mettre en évidence :

  • une élévation de la pression 
  • la présence d'albumine en excès dans le liquide céphalo-rachidien
  • une pléiocytose : abondance de fragments de différents tissus dans le liquide céphalo-rachidien

La radiographie décèle, chez l'enfant, la présence de bandes transversales denses dans les épiphyses (l'extrémité des os).

L'utilisation de la fluorescence aux rayons X permet d'estimer l'accumulation à long terme du plomb dans le tissu osseux.

Cause

Cause

L'introduction du plomb dans l'organisme peut se faire par l'intermédiaire de l'appareil digestif, de l'appareil respiratoire, mais également à travers la peau
Les diverses formes sous lesquelles le plomb est absorbé sont (liste non exhaustive) :

  • le plomb organique (additif non détonant du carburant au plomb)
  • les vapeurs de plomb : l'absorption par le poumon est importante, essentiellement quand le diamètre des particules est inférieur à 1 micromètre comme c'est le cas des vapeurs dégagées quand on brûle de la peinture au plomb
  • les poteries et les céramiques artisanales (poteries mal vernissées)
  • le cristal plomb
  • les conserves
  • les ouvrages de plomberie
  • les résidus de peinture et la détérioration de produits contenant du plomb (émanations de peintures et de gaz d'échappement de véhicules mélangés au sol et à la poussière domestique)
  • le minium
  • le sel saturnin
  • la céruse
  • certains remèdes populaires à base d'herbes
  • certaines piles
  • les décapants de peinture
  • les émaux

Traitement

Traitement

Les intoxications au plomb doivent être signalées afin de permettre une évaluation sur place.
En cas d'intoxication aiguë, il est nécessaire bien entendu de cesser complètement l'exposition au plomb,  puis d'effectuer un lavage gastrique en milieu spécialisé à l'hôpital. Ceci s'effectue à l'aide d'une solution de sulfate de sodium ou de magnésium diluée.

Les traitements cités ci-après sont utilisés jusqu'à ce que la plombémie descende au-dessous des taux néfastes pour l'organisme.

  • les produits utilisés (antidotes) sont des chélateurs du plomb qui permettent d'emprisonner les éléments toxiques. Ils sont utilisés dans le saturnisme chronique et tout particulièrement quand il existe une encéphalopathie saturnine :
    • dimercaprol édétate calcique disodique utilisé pendant 3 à 5 jours selon les cas
    • l'édétate calcique disodique seul est utilisé ensuite en cures espacées de 4 à 5 jours
       
  • la pénicilline est quelquefois utilisée entre les cures précédentes afin d'éviter d'augmenter le taux de plomb dans le sang, ce qui se produit quelquefois après l'utilisation de l'édétate calcique disodique
     
  • quand il existe une fonction rénale satisfaisante, on peut éventuellement utiliser le dimercaprol (BAL).
     
  • d'autres produits tels que l'acide dimercaptosuccinique donnés par voie orale sont utilisés mais entraînent parfois des effets secondaires
     
  • en présence de coliques de plomb, les malades sont traités par des antispasmodiques contenant de l'atropine
     
  • en cas d'oedème cérébral (présence de liquide au niveau du cerveau), il est procédé à des perfusions intraveineuses de mannitol, de cortisone
     
  • certains psychotropes, et tout particulièrement le Diazépam, sont injectés par voie intraveineuse en cas de convulsions. Un relais est effectué par la phénytoïne sous forme de comprimés
     
  • en présence d'une insuffisance rénale, il est parfois nécessaire d'avoir recours à l'hémodialyse
     
  • on associe quelquefois l'utilisation de certains oligo-éléments : zinc, magnésium, cuivre, fer, surtout quand le traitement est prolongé.

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