Tularemie

Définition

Définition

La tularémie est une maladie infectieuse causée par une bactérie : Francisella tularensis, qui tient son nom du comté de Tulare en Californie et d'Edward Francis qui a grandement contribuée à la compréhension de cette pathologie.

Il s'agit d'une zoonose, c'est-à-dire une maladie transmise de l'animal à l'homme.

Généralités

La tularémie se caractérise habituellement par une ulcération locale (petite perte de substance) de la peau, avec une adénopathie (ganglion anormalement augmenté de volume) survenant quelques jours après des symptômes généraux (douleurs musculaires, fièvre, fatigue). La transmission de Francisella tularensis se fait par contact direct (chasseur), et quelquefois indirect (piqûre d'insecte, tique). 

Le bacille à l'origine de la tularémie est un petit bacille aérobie (nécessitant de l'oxygène pour vivre et se multiplier) pléomorphe (ayant la capacité de revêtir des formes différentes dans certaines conditions ou sous des influences déterminées), mobile, apparaissant sous la forme de spores très résistantes, et pénétrant dans l'organisme par :

  • ingestion (par les voies digestives)
     
  • inhalation (voies respiratoires)
     
  • inoculation (par introduction d'un organisme)

La bactérie a été identifiée dans les glandes salivaires des tiques, et en moindre quantité dans leurs déjections. La transmission se fait par l'intermédiaire du sang transmis par la piqûre de tique, essentiellement pendant le printemps et pendant l'été (taon également).

Francisella tularensis semble pouvoir traverser la peau sans que celle-ci ne présente de lésion (érosion, égratignure ).
Elle peut également pénétrer dans l'organisme grâce à de petites effractions cutanées provoquées par des lésions superficielles de la peau.

ÉPIDÉMIOLOGIE

La tularémie semble être géographiquement limitée à l'hémisphère Nord​.

Sa transmission se fait essentiellement entre animaux : ils se contaminent non pas directement, mais par l'intermédiaire d'un arthropode (comme les insectes entre autres) " consommateurs " de sang (hématophages). Ces animaux peuvent également contracter la maladie en mangeant les autres animaux.

L'homme contracte cette maladie après avoir été piqué par un arthropode (tique, taon) transportant la bactérie dans son sang.
Très rarement, un individu peut contracter la tularémie en consommant de l'eau ou de la viande infectée et insuffisamment cuite.
Il n'a pas été décrit de contamination interhumaine (d'homme à homme).

Ce sont essentiellement les bouchers, les chasseurs, les agriculteurs, mais aussi les manipulateurs de fourrures, ainsi que le personnel de laboratoire qui sont le plus exposés à une éventuelle infection par la tularémie.
La manipulation des fourrures de lapins sauvages infectés (tout particulièrement lors de l'écorchage) pendant la période estivale entraîne une contamination par contact.
Celle-ci peut également se faire après manipulation d'oiseaux et d'autres animaux sur lesquels il y a des tiques ou d'autres arthropodes (taon, mouche) qui sont déjà infectés par le bacille tularensis.

CLASSIFICATION

On distingue plusieurs variétés de tularémie :

  • Le type ulcéro ganglionnaire représentant environ 80 % des cas et dont la lésion se localise aux mains et aux doigts.
    Cette variété de tularémie est le plus souvent due à des morsures de tiques au niveau du crâne ou de la nuque.
     
  • Le type pseudo-typhique correspondant à environ 1 % des cas, et dont la maladie à l'origine est une infection de l'ensemble de l'organisme s'accompagnant d'une douleur abdominale et de  fièvre.
    Cette forme évolue généralement vers des troubles mentaux à type de délire pendant lequel le malade présente une certaine prostration.
    Quand le traitement (aminoside) n'est pas convenablement effectué, la mortalité est proche de 30 %.
     
  • Le type oculo-glandulaire, correspondant environ à 2 % des cas, entraîne une inflammation des ganglions lymphatiques sans doute liée à l'inoculation de l'oeil par un doigt ou une main souillée.
    Dans ce cas, la conjonctive, inflammatoire, est extrêmement douloureuse et présente des nodules (petite surélévation) de coloration jaunâtre, et des ulcérations de très petite dimension. Ce type de douleurs amène les patients à consulter avant l'apparition des ganglions, qui sont situés à proximité de l'oreille.
    Dans cette variété de tularémie, les patients sont susceptibles de présenter une perforation de la cornée.
     
  •  Le type glandulaire correspondant à 2 % des cas et se caractérisant par la présence d'une inflammation des ganglions (régionalement) mais sans association à une lésion primaire, et le plus souvent sans ganglions pathologiques au niveau du cou.

 2 biotypes sont particulièrement étudiés :

  • le biotype A, secondaire à Francisella tularensis, le plus virulent pour les humains, se trouve chez les lapins et les rongeurs
     
  • le biotype B, Paleartica, que l'on trouve spécifiquement dans l'eau et chez les animaux aquatiques, produit généralement une infection de type ulcéreuse et ganglionnaire légère et moins grave que la précédente.

PHYSIOPATHOLOGIE – MÉCANISME DE L'INFECTION

Après avoir franchi la peau ou une muqueuse, le germe (bactérie) transmis par la morsure d'une tique, d'un autre arthropode ou d'un animal, pénètre dans l'organisme.
Cette pénétration peut également se faire par inhalation ou ingestion digestive.
La quantité minimum de 100 millions de bactéries est nécessaire pour provoquer une infection par voie orale (digestive) ou dans le pharynx.
Seulement 50 bactéries sont suffisantes pour déclencher une infection à travers la peau, provoquant alors une tularémie ganglionnaire ou ulcéro-ganglionnaire.
Le même chiffre est également suffisant pour être à l'origine d'une pneumopathie (atteinte des poumons) par inhalation (pénétration des germes par voie aérienne).

A la suite de cette pénétration, les bactéries vont se multiplier tout d'abord localement pendant 3 à 5 jours (quelquefois un peu plus : une semaine), aboutissant à l'apparition d'un érythème (coloration rouge) s'accompagnant de douleurs, de papules (légères surélévations de la peau) avec prurit (démangeaison).
Ces papules par la suite se transforment en ulcères dont la base est de couleur noire.
Secondairement, les ganglions lymphatiques (locaux et régionaux) vont accueillir les bactéries de la tularémie à l'origine d'une lymphadénopathie.
Ces germes vont ensuite envahir le sang (septicémie) pour s'étendre aux autres ganglions et aux autres organes plus éloignés que ceux de la lésion primitive.

SYMPTÔMES

Après une incubation silencieuse d'environ 4 jours, l'infection se traduit par :

  • des céphalées (maux de tête)
     
  • des myalgies (douleurs musculaires) et des courbatures
     
  • une élévation de la température (39,5 degrés à 40 °C)
     
  • une prostration sévère
     
  • des nausées
     
  • des vomissements
     
  • des frissons répétitifs accompagnés de sueurs profuses
     
  • une faiblesse très importante
     

Dans un deuxième temps apparaissent au point d'inoculation (doigt, oeil, bras, bouche) :

  • une papule (petite élévation de la peau légèrement colorée) s'accompagnant progressivement de …
     
  • pus et se transformant en …
     
  • un ulcère laissant échapper un peu de liquide (exsudat) liquide peu épais et incolore. Cette lésion cutanée est prurigineuse (entraînant des démangeaisons) et évolue vers …
     
  • une ulcération (perte de substance cutanée) plus importante.
    Les ulcères qui surviennent sur le bras sont généralement isolés, dans la bouche et sur l'oeil ils sont multiples. Le plus souvent un seul oeil est atteint par une conjonctivite (inflammation de la conjonctive). Dans certains cas ces ulcères peuvent persister pendant quelques mois.

Aux symptômes précédents s'associent :

  • une inflammation des ganglions lymphatiques (adénopathie) qui augmentent de volume et qui peuvent laisser échapper du pus abondamment
     
  • une inflammation des amygdales s'accompagnant de douleurs
     
  • l'apparition chez quelques malades d'une éruption de type rougeole

DIAGNOSTIC – ANALYSES DE LABORATOIRE

Le diagnostic d'une tularémie se fait à partir de la notion d'un contact avec un lièvre, un lapin ou un autre rongeur.
On peut retrouver chez le patient (chasseur, boucher, promeneur) des antécédents de piqûre par arthropode, ainsi qu'un début brutal des symptômes.

La prise de sang met en évidence une élévation du nombre de globules blancs (hyperleucocytose) le plus souvent.

L'isolement du germe à partir de la lésion, des ganglions lymphatiques, ou des expectorations (glaire) permet de poser le diagnostic.

Il est nécessaire de savoir que ce genre de test est dangereux à mettre en pratique dans le laboratoire qui doit effectuer les analyses : les laboratoires destinés à isoler le germe de la tularémie doivent être d'un genre particulier, et posséder un équipement comprenant au minimum des hottes aspirantes. Les manipulations doivent se faire avec une extrême prudence : en effet, les tissus infectés et les milieux de cultures sont dangereux et sont susceptibles de transmettre l'infection très facilement. Les affections survenant chez les laborantins sont généralement des tularémies pulmonaires, souvent difficiles à diagnostiquer.

La séropositivité (présence d'anticorps anti-tularémique) dans le sang est constatée à partir du 8ème jour.

Diagnostic différentiel

La tularémie pulmonaire est quelquefois confondue avec une pneumopathie (maladie des poumons). Elle est secondaire à une inhalation de bactéries puis à une dissémination à travers le sang, aux poumons et aux plèvres.
Cette variété de tularémie est particulièrement décrite chez les personnes travaillant en laboratoire et qui ont été contaminées par du matériel souillé.
Le nombre de décès est relativement élevé chez ces patients.

ÉVOLUTION

  • présence d'une hyperthermie (fièvre) pendant plusieurs semaines (3 à 4) quand il n'y a pas de traitement, puis baisse progressive.
     
  • quelquefois, à partir du 5ème jour, surviennent des complications respiratoires et le patient peut présenter des signes de pneumopathie atypique (atteinte des poumons sans origine déterminée) et de septicémie (présence de la bactérie en grande quantité dans le sang).
    La pneumopathie passe le plus souvent inaperçue, c'est-à-dire ne présente pas de symptômes particuliers en dehors d'une toux sèche qui ne ramène pas de mucus (glaire), c'est-à-dire qui est non productive, et qui associe une sensation de brûlure en arrière du sternum.
    Chez quelques patients, on a remarqué des troubles intellectuels à type de confusion mentale susceptible d'accompagner la pneumonie tularémique.

Il a été décrit d'autres complications plus rares :

 Quand la mortalité survient, elle est secondaire à une surinfection ayant entraîné :

TRAITEMENT

  • Environ 5 % des cas qui ne sont pas traités ont une évolution fatale. Dans le cas contraire, c'est-à-dire après traitement, la mortalité est presque nulle. Il a été décrit quelque cas de rechute à la suite de traitements insuffisants. Sinon, l'infection est à l'origine d'une immunité.
     
  • Les antibiotiques utilisés contre la tularémie contiennent de la streptomycine, de la gentamicine, du chloramphénicol, des tétracyclines, des céphalosporines de troisième génération.
     
  • En ce qui concerne les lésions cutanées, l'application de pansements imbibés de soluté physiologique (eau salée à une concentration de 9 pour 1000) peuvent être utilisés.
     
  • Chez quelques patients, il est nécessaire de procéder à une intervention chirurgicale en cas d'abcès volumineux.
     
  • En présence de céphalées (maux de tête) très intenses, il est quelquefois nécessaire d'utiliser la codéine (variété d'antidouleur relativement puissant).
     
  • En présence de tularémie oculaire, comme pour la tularémie cutanée, l'application de compresses imbibées de solution physiologique associées au port de lunettes noires permet un soulagement. Certains ophtalmologistes utilisent l'homatropine à 2 % à raison de 1 à 2 gouttes toutes les 4 heures dans les cas graves.

PRÉVENTION

Quand un individu sait qu'il pénètre dans une zone d'endémie (endroit où il existe des risques de transmission d'une maladie), il est nécessaire de prévoir des vêtements de protection adaptés contre les piqûres de tiques.

D'autre part, il est conseillé d'utiliser des répulsifs et de faire une recherche de ces arthropodes sur soi-même de temps à autre, pendant le séjour dans la zone où l'on est susceptible de se faire piquer par une tique.
Le port de gants en caoutchouc et de vêtements adaptés est absolument indispensable chez les professionnels de la fourrure.

La consommation des produits de chasse (oiseaux, lièvres, lapins) ne se fera qu'après cuisson suffisante. 

Dans certaines conditions, l'eau susceptible d'être contaminée doit être également désinfectée avant d'être bue.