Fibromyalgie : compréhension et prise en charge de la douleur

Définition

Définition

La fibromyalgie est une affection chronique caractérisée par une douleur diffuse accompagné d'une fatigue profonde.
Encore mal connue, la fibromyalgie est souvent mal soignée.

Généralités

QUEL EST LE MÉCANISME DE LA DOULEUR ?

Pour comprendre les raisons de ces perturbations nociceptives (tout ce qui concerne la douleur) au cours de la fibromyalgie, il est nécessaire de connaître quelques notions de base sur la physiopathologie nociceptive, c'est-à-dire le mécanisme de la douleur.

Il est possible de différencier 2 types de douleurs :

  • La douleur due à un excès de nociception (perception exagérée de la douleur). Ce type de douleur est le résultat d'une augmentation de la transmission des messages douloureux qui sont transportés par les fibres fines. Pour venir à bout des douleurs par excès de nociception, il est nécessaire d'utiliser des antalgiques (aspirine, paracétamol, dextropropoxyphène, dérivés morphiniques).
     
  • La douleur par défaut d'inhibition ou désafférentation. Il s'agit des douleurs de type neurogène qui font suite à l'atteinte d'un nerf périphérique. Il peut s'agir entre autres d'une section, d'une amputation, d'une lésion nerveuse due à l'utilisation de la radiothérapie, de zona. Les douleurs par défaut d'inhibition sont le résultat de l'altération des systèmes inhibiteurs d'origine centrale. Les médicaments employés pour lutter contre ce type de douleurs sont des substances ayant une action centrale. Il s'agit des antiépileptiques (carbamazépines : Tégrétol, clonazépam : Rivotril, gabapentine : Lyrica) et des antidépresseurs tricycliques.

En dehors de la fibromyalgie, la douleur, classiquement, est le résultat de l'excitation des nerfs, plus précisément des fibres composant les nerfs, et aboutissant à un message nerveux : le stimulus douloureux ou douleur.
Cet influx nerveux prend naissance à l'endroit où démarre en quelque sorte l'agression de l'organisme, c'est-à-dire au niveau des récepteurs qui portent des nocicepteurs constitués par les terminaisons nerveuses sensibles aux stimulations douloureuses. Ces récepteurs nociceptifs sont situés dans la peau, dans les veines, les artères, les muqueuses (couche de cellules recouvrant l'intérieur des organes en contact avec l'air), les tendons, les os, les viscères.

Une lésion tissulaire aboutit à l'accumulation de substances algogènes (substances destinées à engendrer la douleur). Il s'agit entre autres de la bradykinine, de l'histamine, et de la sérotonine.
Des prostaglandines (PGE-1 et PGE-2) sont impliquées également dans la genèse des phénomènes douloureux. Ces substances permettent de sensibiliser les récepteurs des terminaisons nerveuses sensitives à l'action des médiateurs algogènes. Si l'on prend l'exemple d'une brûlure de la main, c'est à ce niveau que l'influx douloureux, qui n'est pas encore perçu comme une douleur, mais simplement comme un influx nerveux, prend sa source. Ensuite, ce stimulus nerveux chemine à travers les nerfs sensitifs, gagne la corne postérieure de la moelle épinière (c'est-à-dire la partie arrière de la substance grise de cet organe). Le stimulus douloureux emprunte ensuite les voies de la douleur (fibres sensitives) qui assurent la transmission de ce stimulus à partir des récepteurs périphériques jusqu'au cortex cérébral, en passant par différentes étapes :

Ces fibres sont de 3 types :

  • Les unes de gros calibre, les fibres A, Alpha, Bêta, qui sont entourées de myéline (couche graisseuse), substance qui possède un rôle d'accélérateur de la transmission de l'influx nerveux. Ces fibres ont également la capacité de conduire très rapidement l'influx nerveux véhiculant la sensation des différences de température (chaud, froid) et de pression.
     
  • Les autres sont plus fines : il s'agit des fibres A Delta, entourées également de myéline mais beaucoup moins rapides (environ 10 fois moins) que les fibres A Alpha Bêta. Elles ne véhiculent que des sensations en réponse à des stimulations à type de pincement, de piqûre, ou de chaleur.
     
  • Les dernières fibres sont les fibres C particulièrement fines et ne possèdent pas de myéline en périphérie. Celles-ci conduisent l'influx nerveux doucement (relativement par rapport aux autres) : elles véhiculent l'influx nerveux perçu par le cerveau comme une douleur.
     
  • Les fibres sont regroupées en faisceaux.

Pour résumer, les fibres de gros calibre (A alpha et A béta) font partie de la voie lemniscale. Elles constituent le support de la sensibilité discriminative, c'est-à-dire de la sensibilité tactile et fine. Ces fibres de gros calibre ont un rôle plus important tant en ce qui concerne le contrôle de la douleur que dans sa conduction.
Les fibres de petit calibre (A delta et C) font partie de la voie extra-lemiscale et sont le support de la sensibilité non discriminative. Elles permettent la perception tactile grossière, la perception de la chaleur et de la douleur. Ce type de fibres transmet essentiellement les messages douloureux.

A partir de la corne postérieure de la moelle épinière, l'influx nerveux (qui n'est toujours pas perçu comme une douleur) emprunte d'autres neurones constituant ce que l'on appelle la voie sensitive de la moelle épinière, située également dans la corne postérieure. A cet endroit, les influx douloureux subissent habituellement une inhibition, autrement dit une sorte de filtrage qui atténue le message douloureux. Ce filtre porte le nom de système de la porte (Gate control de Melzack et Wall mis en évidence en 1965).
A ce stade, l'inhibition de l'influx nerveux peut être intensifiée grâce à l'action de certains neuromédiateurs (substances transmettant l'influx nerveux entre les neurones au niveau des synapses). C'est le cas entre autres des opiacés comme la morphine ou les endorphines. Signalons que certains neuromédiateurs sont capables de supprimer totalement la douleur.

Pour comprendre le mécanisme du Gate control, il est nécessaire de savoir que le mécanisme neurologique de la douleur fait intervenir entre autres, les fibres nerveuses C de faible calibre et les fibres de gros calibre A, responsables de la transmission du toucher.
Les fibres C transmettent le message douloureux depuis la périphérie de l'organisme jusqu'à la moelle épinière, et plus précisément aux cellules T de la corne dorsale (partie de la moelle épinière située vers l'arrière).
Lorsque survient une douleur en périphérie, l'information, qui est véhiculée par les fibres C, atteint ces cellules T.

A ce niveau existe une porte qui s'ouvre et qui permet alors la transmission de la douleur vers le cerveau, et plus précisément le thalamus (zone du cerveau située au centre de celui-ci permettant l'analyse des douleurs entre autres).

Il existe également à ce niveau un contrôle par les neuropeptides (variété de protéines). Il s'agit essentiellement de la substance P, et des peptides opioïdes endogènes (enképhaline pour morphine du cerveau, endorphine pour morphine endogène) et dynorphines.

La substance P est un neuromédiateur des fibres C transmettant la douleur intense. Les influx qui sont véhiculés par les fibres C vont libérer la substance P dans la fente synaptique (articulation entre deux neurones), ce qui aboutit à l'excitation du neurone postsynaptique (situé après la synapse), au niveau de la corne postérieure de la moelle épinière. Cet endroit est le lieu où les fibres C font un relais.

La substance P et les peptides opioïdes endogènes sont retrouvés dans le système central et au niveau du système nerveux périphérique, essentiellement en ce qui concerne le tube digestif. Les opioïdes endogènes vont se fixer sur les récepteurs morphiniques. L'enképhaline, qui est synthétisée au niveau des inter-neurones de la moelle épinière, inhibe la libération de la substance P par les fibres C. De ce fait, il se produit une inhibition du neurone qui reçoit le stimulus douloureux, et qui le transmet vers les centres supérieurs.

Ces stimuli sont ensuite transmises au cortex (partie périphérique du cerveau) où est " ressentie " la douleur proprement dite. Cette porte pourrait être maintenue fermée grâce, justement, à la stimulation d'autres fibres nerveuses que sont les fibres myélinisées de gros calibre : les fibres A (c'est ce qui se passe lors de la neurostimulation transcutanée). En stimulant précisément ces fibres, on active les cellules T et on inhibe (freine) la transmission de la douleur à hauteur de la moelle épinière.

Après ce passage obligatoire, l'influx nerveux remonte ensuite le long de la colonne vertébrale, toujours dans la moelle épinière, pour atteindre une zone du cerveau, le thalamus, zone anatomique où l'influx nerveux est transformé en sensation douloureuse.

QU'EST-CE QUI DIFFÉRENCIE LES PERSONNES SOUFRANT DE FIBROMYALGIE ?

Ainsi que nous venons de le voir, à un moment donné du cheminement de la douleur, nous constatons qu'il existe une étape faisant intervenir différents mécanismes et substances.

Au cours de la fibromyalgie, la substance P présente un trouble métabolique, les médecins appellent dysfonctionnement (mauvais fonctionnement) : la quantité de substance P est augmentée dans le liquide céphalo-rachidien (LCR) alors que la sérotonine et ses médiateurs y sont diminués.

Au sein du thalamus, il existe des sous-zones (sous-noyaux) dont le rôle est d'influencer le message douloureux (sensation, localisation, discrimination). C'est ainsi que chaque individu va ressentir différemment la douleur selon son vécu, son anxiété, son angoisse. Des interconnexions entre le thalamus et le système limbique influencent la perception de cette douleur. Le système limbique, situé en profondeur dans le cerveau, dans la région médiane, joue un rôle particulièrement important en ce qui concerne les émotions, les comportements, la mémoire et l'élaboration des attitudes entre autres. Le système limbique est constitué d'une sorte d'anneau qui est situé à la face interne de chaque hémisphère cérébral (demi-cerveau).

Il comporte cinq structures essentielles qui sont :

  • l'amygdale temporale
     
  • les voies olfactives
     
  • l'hippocampe
     
  • le cortex limbique, constitué de deux circonvolutions : la circonvolution du corps calleux et la circonvolution parahippocampique
     
  • les septums

Au cours de la fibromyalgie, il existe des preuves concernant le dysfonctionnement du système nerveux qui gère la douleur (phénomène de nociception). Grâce aux techniques d'imagerie médicale, et plus particulièrement celles de débitmétrie cérébrale (single photon emission tomography [SPECT]) et d'IRM fonctionnel, il est possible maintenant de mettre en évidence des lacunes de fonctionnement au sein de certaines structures cérébrales, et plus précisément du thalamus et du noyau caudé. Les noyaux caudés jouent un rôle essentiel dans les phénomènes d'inhibition, c'est-à-dire de freination de la douleur, ou si on préfère dans les capacités que possède chaque individu à diminuer les sensations douloureuses. Ces phénomènes d'inhibition sont le résultat des messages qui proviennent du cortex cérébral (pour les spécialistes : somato-moteurs par l'intermédiaire de la voie pyramidale). Les techniques dont nous venons de parler montrent une perturbation de la vascularisation chez l'individu atteint de fibromyalgie, c'est-à-dire un trouble de l'apport sanguin au sein du thalamus, et du noyau caudé.

Différents dosages montrent que la quantité de substance P est élevée à l'intérieur du liquide céphalo-rachidien.
Bien entendu, ces dosages ne sont effectués que dans des centres spécialisés. C'est la raison pour laquelle ils ne sont pas demandés en pratique médicale courante.
D'autres recherches, en particulier sur des anomalies génétiques du promoteur du gène du transporteur de la sérotonine, ont également été mises en évidence. Les autres médiateurs participant aux phénomènes douloureux, et à leur contrôle sont : 

  • la dynorphine A
     
  • de nerve growth factor
     
  • le calcitonine gene-related peptide

Certains récepteurs, qui devraient normalement être inhibés afin d'éviter les épisodes douloureux (allodynie généralisée) survenant chez chaque individu, ont été mis en évidence. Il s'agit des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA) dont l'activation semble en partie expliquer la survenue des épisodes douloureux intolérables qui surviennent chez le patient fibromyalgique.

Pour « traiter» la douleur, de nombreuses techniques sont actuellement utilisées. La plus fréquente, qui concerne les douleurs relativement légères, fait appel aux analgésiques, antalgiques (anti-douleurs). Il s'agit avant tout de l'aspirine, du paracétamol, des anti-inflammatoires ne contenant pas de corticoïdes (cortisone).
Pour les douleurs plus importantes, on utilise des analgésiques narcotiques (proches de la morphine).

Chez le patient fibromyalgique, tous ces médicaments ne donnent habituellement aucun résultat. Il s'agit même de ce que l'on appelle un test thérapeutique. Autrement dit, si ces médicaments n'apportent aucun soulagement, le diagnostic s'oriente vers une fibromyalgie car le patient présente ce que l'on appelle une douleur de désafférentation (voir ci-dessus).

C'est la raison pour laquelle, certaines molécules telles que la prégabaline (Lyrica) ou le clonazépam (Rivotril) sont utilisées car il s'agit de médicaments généralement efficaces dans ce type de douleur. La prégabaline est prescrite à raison de 5 à 10 gouttes par jour le soir au coucher, le clonazépam est débuté à 25 mg dans les mêmes conditions puis éventuellement augmenté. Chacun de ces deux médicaments présente des effets secondaires dont il est nécessaire de tenir compte. En ce qui concerne le Lyrica, il faut faire faire des analyses sanguines afin de déceler une éventuelle atteinte de la formule numération sanguine, notamment du nombre des globules blancs. Bien entendu, ces deux médicaments ne peuvent être pris que sur ordonnance médicale.

D'autres techniques comme la mésothérapie, l’acupuncture, la cryothérapie sont des alternatives intéressantes.

La prise en charge psychologique du patient est également particulièrement importante. En effet, si le seuil de la douleur est le même chez tous les êtres humains, c'est-à-dire si chacun de nous perçoit la douleur à partir de la même intensité, en revanche la tolérance de la douleur varie de façon considérable d'une personne à l'autre. Celle-ci est influencée par des facteurs autres qu'organiques (psychologiques, culturels). Les émotions, et de façon générale l'état mental de l'individu, ont une incidence sur la douleur.

Différents antidépresseurs ont été tentés chez le fibromyalgique. Il s'agit avant tout de l'Amitriptyline, la Fluoxétine, la Paroxetine, le Citalopram.

Des exercices d'élongation ou des exercices en aérobiose peuvent apporter un certain bénéfice.

Le reconditionnement à l'effort est parfois utilisé. Il semble que cette technique ne soit pas particulièrement appréciée des patients. En effet, elle entraîne quelquefois des lésions musculaires, et de la fatigue supplémentaire dont se plaignent les patients fibromyalgiques.

L'application de chaleur associée à des massages doux donne parfois d'excellents résultats.

LIRE ÉGALEMENT SUR CE SUJET :

Fibromyalgie : les symptômes

Fibromyalgie : le diagnostic

Fibromyalgie : diagnostics différentiels

Fibromyalgie : localisation des points de Yunus et diagnostics différentiels

Fibromyalgie : comprendre le mécanisme

Fibromyalgie : traitements

Fibromyalgie : pourquoi prescrire des antiépileptiques

Crédit photo : Pixabay