Transplantation fécale

© Transplantation fécale

Le déséquilibre de la flore intestinale est à l’origine de nombreuses pathologies qui touchent non seulement la sphère digestive mais aussi l’ensemble de l’organisme.

La transplantation de flore intestinale est une solution efficace pour rétablir l’équilibre général.

 

 

Transplanter les selles d'un individu à un autre : l’idée peut choquer. En effet, dans la pensée collective, tout ce qui sort de l’organisme (et notamment du système digestif) est sale.

Et pourtant …

CE N’EST PAS UNE THÉRAPEUTIQUE NOUVELLE

Il y a 1700 ans, la médecine chinoise pratiquait déjà la transplantation fécale : un traité de médecine d’urgence datant du IVème siècle de notre ère recommande, en cas de diarrhées intenses ou d’empoisonnement, de faire boire au malade les matières fécales d’un individu en bonne santé dissoutes dans de l’eau. Ce traitement aurait permis de sauver de nombreuses vies.

L’utilisation médicale des excréments s’est étendue en Chine pour traiter divers maux (troubles intestinaux mais aussi fièvre, douleur, …). Les matières fécales étaient utilisées sous diverses formes (fraîches, sèches ou fermentées) et on les administrait sous le nom de « soupe dorée » afin que les malades acceptent de les ingérer.

La médecine moderne a commencé à s’intéresser à cette approche thérapeutique et ce traitement est désormais appliqué dans de nombreux pays.

 

QUE CONTIENNENT LES MATIÈRES FÉCALES ?

Notre corps est un hôtel, un gîte qui abrite quantité de micro-organismes (bactéries, levures, virus) que l’on appelle le microbiote.
On les trouve un peu partout : bouche, tube digestif, peau, yeux.
Ils sont plus nombreux que les 10 000 milliards cellules qui composent notre organisme : on considère qu’il y a 1,3 bactérie pour 1 cellule.

Le microbiote intestinal de chaque individu est unique et il se constitue progressivement dans les premiers mois de la vie pour en arriver à une flore intestinale mature composée de 500 à 1500 espèces différentes de bactéries (on estime à 40 000 le nombre d’espèces susceptibles de coloniser l’intestin).

Nous vivons en bonne intelligence avec ces micro-organismes, dans un système donnant-donnant : nous leur fournissons « le gîte et le couvert » et en échange ils contribuent à maintenir l’équilibre de notre santé : extraction optimale des nutriments de notre alimentation, renforcement de notre système immunitaire, …

Mais cet équilibre est fragile et différentes circonstances peuvent le rompre : un régime alimentaire inadéquat, une maladie, certains médicaments et surtout les antibiotiques, dont le rôle est de détruire les bactéries dangereuses mais dont l’action impacte aussi les « bonnes » bactéries. Les antibiotiques éliminent toutes les bactéries sans distinction et à l’issue du traitement, les « bonnes » bactéries ne sont plus assez nombreuses pour empêcher les bactéries pathogènes de coloniser les intestins.

 

QU’EST-CE QUE LES PROBIOTIQUES ?

Les probiotiques sont des compléments alimentaires composés de « bonnes » bactéries vivantes destinées à recoloniser les intestins.

Leur utilisation est efficace pour les pathologies intestinales légères mais n’a pas fait ses preuves contre les maladies plus lourdes dans lesquelles les intestins sont impliqués : maladie de Crohn, rectocolite hémorragique, syndrome du côlon irritable, maladies auto-immunes, …

 

COMMENT SE PASSE UNE TRANSPLANTATION FÉCALE ?

Le principe est donc de transférer le microbiote intestinal d’une personne en bonne santé à une personne souffrant d’une maladie qui touche les intestins.

Des matières fécales sont donc prélevées chez un donneur (soigneusement sélectionné après une batterie de tests).
Elle sont ensuite préparées puis administrées au patient :

  • soit par lavements
     
  • soit par coloscopie grâce à une sonde introduite dans l’anus
     
  • soit par une sonde introduite dans le nez et insérée jusqu’à l’intestin
     
  • des méthodes moins « invasives » comme l’administration d’extraits congelés via une capsule sont en cours de développement.

À l’image des banques de sang ou de sperme, des banques de selles ont été créées pour collecter et traiter les dons avant de les envoyer aux établissements de soin.

 

Pour être donneur de selles, il faut :

  • Être âgé de de 18 à 65 ans
     
  • Ne pas être obèse (avoir un IMC inférieur à 30)
     
  • Ne pas avoir souffert de diarrhée (aigüe ou chronique) pendant les 3 mois précédents
     
  • Avoir des selles normales (moulées, sans présence de sang, du pus ou d’urine)
     
  • Avoir une analyse de selles ne révélant pas la présence d’agents infectieux
     
  • Ne pas souffrir de maladies chroniques
     
  • Ne pas suivre un traitement médical
     
  • Ne pas avoir pris d’antibiotiques pendant les 3 mois précédents
     
  • Ne pas avoir séjourné à l’étranger pendant les 3 mois précédents
     
  • Ne pas avoir résidé plusieurs années en zone intertropicale
     
  • Ne pas avoir été hospitalisé à l’étranger pendant les 12 mois précédents
     
  • Ne pas avoir été atteint de fièvre typhoïde

 

 

LA TRANSPLANTATION FÉCALE : POUR QUELLES PATHOLOGIES ?

La principale indication de la transplantation fécale est de lutter contre une infection bactérienne due à Clostridium difficile qui touche essentiellement les personnes ayant suivi un traitement antibiotique (comme vu plus haut, les antibiotiques ont détruit toutes les bactéries, y compris celles qui sont bénéfiques, et aucune défense naturelle ne peut freiner l’invasion de C. difficile).

L’infection par Clostridium difficile se traduit par des nausées, des douleurs intestinales, des diarrhées et de la fièvre.
Il arrive que l’inflammation provoquée par cette bactérie entraîne des complications de type colite pseudo-membraneuse, qui dans de rares cas, peut entraîner le décès du patient.
Clostridium difficile figure parmi les principaux germes responsables de maladies nosocomiales, et il est donc particulièrement redouté dans les hôpitaux.
Classiquement, le traitement d’une telle infection bactérienne est un traitement antibiotique qui, on l’aura compris, génère un cercle vicieux d’améliorations et de rechutes de plus en plus graves car la bactérie se renforce au fur et à mesure des traitements.

Des équipes médicales ont donc cherché une alternative à ce traitement et ont tenté la transplantation fécale avec un succès dont ils n’avaient pas imaginé l’ampleur puisqu’ils ont enregistré jusqu’à 90% de guérisons.

L’efficacité du traitement est telle que le Collège américain de gastro-entérologie le recommande officiellement comme traitement des infections à Clostridium difficile.

La transplantation fécale est aussi utilisée pour traiter des pathologies très variées ayant en commun un déséquilibre de la flore intestinale :