Un colocataire souffrant apparemment de délire paranoïaque

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    Edwin
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    Bonjour,
    J’héberge un ami en ce moment, mais il a un comportement et des paroles inquiétants. Je me demande si je devrais le mettre à la porte ou bien faire des efforts avec lui… Bref, je vous dresse un petit profil en fonction de mes observation et vous me direz ce que vous en pensez, et comment je dois agir avec lui.

    Enfance :

    Selon lui le sujet aurait été violé à l’âge de 8 ans par un commerçant de son quartier. Il n’aurait avoué cet événement à personne en dehors de moi-même. Lors de cette confession il ne semblait pas mélancolique ou gravement traumatisé par cette expérience sexuelle. Il dit n’avoir pas souffert sur le moment, ne réalisant pas la réalité et la portée de l’abus.
    Mais est-ce vrai ? Il a un besoin de reconnaissance, de pitié, d’affection, d’intérêt qui l’aurait peut-être poussé à me mentir pour attirer mon attention sur lui. Et si c’était vrai, quelles seraient les conséquences sur son état psychologique actuel ?

    Le sujet prétend avoir été très sociable jusqu’au début de l’adolescence. A ce moment là, il jouait fréquemment au football dans la rue avec les copains de son quartier. Un jour, il serait rentré couvert de bleus et de blessures prétendument dues à la partie de football. Sa mère lui aurait interdit de sortir et de revoir ses amis du quartier.
    Il dit également que son frère jouait au football, mais que ce dernier ne rentrait jamais blessé grâce à son caractère pacifique qui lui permettrait d’éviter toute altercation. Quoi qu’il en soit, le sujet était privé de sociabilité alors que son petit frère ne l’était pas.
    Selon lui, cette interdiction de sortir n’était pas une sanction temporaire, mais de longue durée. Il aurait passé plusieurs mois entre la maison et l’école, sans vie sociale et sans sorties. Il dit s’être complu dans cette situation, notamment dès lors que ses parents lui avaient acheté un ordinateur. Selon lui, il n’éprouvait plus de besoin de sortir. Il passait même ses vacances dans sa chambre et n’en sortait que pour aller à la salle de bains. Sa mère venait en effet lui servir à manger dans sa chambre devant son ordinateur. C’est à cette période qu’il est devenu obèse. Lorsqu’il en parlait, il semblait refuser d’endosser toute responsabilité et attribuait entièrement la responsabilité de ce qu’il était à sa mère.
    Parallèlement, son frère a mené une vie sociale, sexuelle et affective développée. Cela a pu engendrer une jalousie chez le sujet, d’autant plus que le sujet raconte qu’il a détesté son frère à plusieurs reprises pour avoir été capable de séduire les filles qu’il voulait. Cette sociabilité et ce succès du frère ont sans doute du accentuer le sentiment d’infériorité du sujet.

    Par rapport au sexe opposé, le sujet a toujours été impuissant. Il nous a relatés une fois qu’il était tombé amoureux d’une fille qui étudiait dans le même lycée que lui. Socialement incapable, il a passé plusieurs semaines à la suivre dans le lycée sans oser l’aborder. Il s’est ensuite enfermé dans une mélancolie aigüe. En effet, pendant plusieurs jours, lorsqu’il rentrait chez lui, il portait un burnous et marchait avec une canne. Il s’isolait, ne parlait plus à personne. Il s’asseyait par terre dans un coin. Cette démarche avait sans doute, dans son esprit, pour but d’attirer l’attention sur lui. L’effet voulu s’est produit quand son père s’est adressé à lui et lui a dit qu’il savait que c’était à cause d’une fille.
    Cet épisode montre les débuts de son impuissance sociale, de sa frustration sexuelle, de son obsession, de sa vision déformée de la réalité, de son manque de perception, et de sa soif pathétique de reconnaissance.

    En outre, il raconte également, que lorsqu’il était adolescent, à partir des débuts de son obésité, il se regardait dans le miroir et pensait de façon illusoire qu’il ressemblait beaucoup à des célébrités qu’il admirait, et qu’en grandissant, il maigrirait et aurait le même visage qu’eux.
    Cela démontre que son esprit se construisait des illusions, lui permettant de s’évader de sa propre réalité qu’il détestait au fond. Cela montre également qu’il a, très tôt, refuse de prendre des responsabilités faces à ses lacunes. Au lieu de les combattre, d’en prendre conscience, il refusait de les voir et s’entourait d’illusions. Mais également, le fait qu’il se faisait croire qu’il ressemblait à une star, dénote une convoitise : sachant qu’il menait une vie pathétique, sans rien pour plaire, sans rien à admirer, il convoitait les hommes dominants et essayait illusoirement de se greffer leur personnalité pour oublier son impuissance. C’est une sorte de syndrome du super héro : Plus on est perdant, plus on a tendance à vouloir s’identifier à un individu réel ou fictif qui est doté de qualités (effectives ou illusoires attribuées par le sujet) que l’on ne possède pas.

    Caractères :

     Besoin de signes de reconnaissance et de marques d’intérêt :

    Le sujet prétend vouloir laisser une trace dans l’histoire. En effet, incapable et personnalité transparente, il veut que l’on se souvienne de lui, que l’on parle de lui. Il est désespéré et assoiffé à tel point que peu lui importe que son souvenir soit négatif ou positif. Mais selon lui il aura plutôt tendance à être négatif car il semble ne pas se considérer capable d’accomplir quelque chose de grand, de bon. Il semble plutôt désirer la facilité : tuer pour entrer en prison afin que « dans 10 ans, vous vous souveniez de moi : X ? Ah l’assassin qui est en prison ? ».

    Par ailleurs, le sujet a un besoin aigu de signes de reconnaissance et d’intérêt. Ce besoin semble s’apparenter à celui que ressent un enfant en bas âge. Il a donc été très perturbant pour moi de le constater chez un adulte de 24 ans.
    Pour illustrer mon propos, voici un exemple :
    Un ami, O, m’a raconté que le sujet, que j’héberge chez moi, s’est plaint de moi au motif que je ne le félicite pas lorsqu’il va en cours, quand il fait un peu de ménage, de vaisselle ou autre acte anodin de la vie quotidienne.

     Illusions et obsession du regard des autres :

    Il arbore fréquemment différents types de pilosité faciale d’un mauvais goût évident pour l’individu normal. Il les choisit souvent dans l’univers des super héros de bandes dessinées dont il est amateur. Sans doute ces barbes risibles lui donnent-elles l’impression d’être puissant, majestueux et beau à l’instar de ses héros, alors qu’il n’en est rien. Là encore, il se greffe parasitairement à la personnalité prétendument héroïque d’autrui.

    En outre, le sujet s’est fait faire des tatouages laids et ridicules : il s’est fait graver « HOMME LOUP » en caractères chinois sur le torse et s’est fait tatouer un requin-marteau sur le mollet pour ressembler à un personnage de documentaire qu’il a admiré pendant son enfance.
    Avant d’avoir ces tatouages, il se trouvait laid, notamment à cause de son obésité. Il n’osait pas aller à la plage en été, et s’afficher torse nu, de peur que les gens le trouvent moche et se moquent de lui. Après s’être fait tatouer il s’est mis à s’afficher torse nu à la plage, et même dans la rue, dans les cafés, certain que les gens le regardaient avec envie et en pensant qu’il était très beau.

     Avec le sexe opposé :

    Gravement frustré, il prétend accepter de se faire couper une jambe pour pouvoir avoir des rapports sexuels avec une femme.
    Il tombe très facilement dans l’illusion de l’amour. Dès lors qu’une fille s’intéresse un tant soit peu à lui, ne l’ignore pas, il croit tomber amoureux d’elle. Cela montre qu’il a une vision illusoire des relations sociales, du sexe opposé ainsi que la gravité de sa frustration sexuelle.

     Nombrilisme, sentiment de persécution et délire paranoïaque:

    L’une des phrases les plus fréquentes qu’il pose à un ami lorsque ce dernier a vu une autre de ses connaissances, est : « Alors, vous avez parlé de moi ? Qu’est-ce que vous avez dit sur moi ? ». Il a toujours l’impression d’être le centre d’attention et de discussion de son entourage.

    Il présente 5 symptômes sur 7 du délire paranoïaque ainsi que le DSM-IV le définit:
    – le sujet s’attend, sans raisons suffisantes, à ce que les autres l’exploitent, lui nuisent ou le trompent
    – Il est préoccupé par des doutes injustifiés concernant la loyauté ou la fidélité de ses amis
    – Il discerne des significations cachées, humiliantes ou menaçantes dans les événements anodins.
    – Il ne pardonne pas d’être blessé, insulté ou dédaigné.
    – Il perçoit des attaques contre sa personne ou sa réputation, auxquelles il va réagir par la colère ou la contre-attaque.

    Exemple :

    Il était à ce moment là en conflit avec un ami commun, O. Un soir, j’étais chez O en train de discuter. A la fin de la soirée, j’ai appelé le sujet qui était chez le frère de O. Je lui ai dit de venir devant chez O pour qu’on puisse faire le chemin du retour ensemble, parce que j’avais quelque chose à lui dire. Il a tout de suite imaginé que O et moi complotions contre lui, que O m’avait influencé pour que je prenne une décision qui nuirait au sujet. Il avait même pensé que nous avions préparé un plan machiavélique pour lui faire du mal. A vérité était que nous avions à peine parlé de lui, O et moi et que je voulais simplement qu’on fasse le chemin ensemble, le sujet et moi, pour que je puisse m’entretenir avec lui d’un sujet anodin. Il a été agressif au téléphone m’a fait part d’insultes à l’égard de O. Spontanément j’ai grondé le sujet et l’ai insulté. Il a alors appelé sa mère pour lui faire part de notre prétendu plan diabolique pour lui faire du mal afin qu’elle m’appelle pour me demander de ne pas faire de mal à son fils. Il a aussi essayé de monter le frère de O contre son propre frère pour qu’il le protège de notre prétendu complot. Nous étions donc, O et moi les Persécuteurs, lui la Victime et il a octroyé le rôle du Sauveur à sa mère et au frère de O.

    Il fait fréquemment ce genre d’interprétations hâtives des comportements, des situations et des paroles, sans aucun fondement rationnel. Il en déduit souvent une hostilité, un désir de le persécuter, de l’humilier, de lui faire du mal, voire un complot, de la part de son entourage, aussi restreint soit-il. Ainsi, m’est-il arrivé un grand nombre de fois d’avoir une expression neutre, par exemple lorsque je lis un journal, que je bois mon café, et qu’il y détecte un regard haineux et qu’il pense que je lui en veux.

    Les comportements décrits semblent correspondre à des symptômes du Délire d’interprétation de Sérieux et Capgras :
    « Le délire d’interprétation apparaît sur le sujet adulte, le plus souvent chez un individu présentant antérieurement une personnalité paranoïaque. Le sujet perçoit alors correctement la réalité qui l’entoure, mais il attribue aux événements qu’il perçoit un sens erroné. Ces interprétations concernent des idées de persécution, de préjudice, de complot. »

     Rêves et frustrations violentes :

    Le sujet a régulièrement des envies de meurtre dans la réalité et dans le rêve.
    Il a notamment rêvé qu’il massacrait toute sa famille.
    Mais il a également un rêve récurent : torturer et assassiner un ami.
    Lorsqu’il vivait en colocation avec O, le sujet rêvait tous les soirs de tuer O après l’avoir torturé.
    Plus tard, le sujet a été hébergé par un ami, K, qui a fini par lui demander de partir. Alors, il a commencé à rêver tous les soirs qu’il torturait et assassinait K avec une arme différente, d’abord dans le salon, puis enfin dans les toilettes où il l’achevait.
    Je me demande, maintenant que c’est moi-même qui l’héberge, s’il fait des rêves similaires avec moi pour victime.

    Exemple :

    Il y a une semaine, j’ai annoncé au sujet que j’allais boire un verre avec une amie, I qu’il trouve belle. Il était très content et avait fait le ménage, croyant que I allait venir chez moi. J’ai perçu une grande déception lorsque je lui ai annoncé que j’allais boire cette bouteille en tête-à-tête chez I et non chez moi en sa présence.
    A la fin de la soirée, je suis revenu à la maison avec un petit chaton noir que I m’avait donné car elle n’arrivait pas à lui trouver de maître. Ayant toujours rêvé d’avoir un chat noir, et l’ayant trouvé très joueur et affectueux, j’ai décidé de l’adopter.
    Une fois chez moi, le chat jouait beaucoup, il était très câlin, mangeait normalement, et adorer courir et grimper partout.
    Le sujet m’a alors avoué qu’il aimait torturer les chats lorsqu’il était petit avec son frère.
    Au bout de deux ou trois jours, lorsque je suis rentré, ayant laissé le chat toute la journée avec le sujet, j’ai trouvé l’animal caché sous l’évier, les oreilles rabattues, et un air apeuré. Il refusait de se laisser caresser. Dès que je l’ai sorti de son coin, il est allé se réfugier derrière le canapé. Après plusieurs heures de jeu et d’attention, j’ai réussi à le faire revenir à son état normal. Mais, bien que je me doutais que le sujet l’avait torturé, j’ai renoncé à cette hypothèse vu que le chat était tout mouillé. Je m’étais dit que c’était l’eau qui l’avait traumatisé.
    Plusieurs jours plus tard, le même scénario se répétait : le soir, avant de m’endormir je laissais un chat joyeux et joueur après l’avoir réconforté, et le lendemain après-midi je rentrais et trouvais un chat de plus en plus isolé et peureux de jour en jour.

    J’ai alors compris que le sujet l’avait effectivement torturé, alors que devant moi, il feignait de jouer avec le chat.
    Il semble, d’après les éléments que j’ai en ma possession (confiés par le sujet à O qui lui-même me les a répétés), que :
    – Le sujet était jaloux et envieux par rapport à ma relation avec I. Il s’était créé une image de moi selon laquelle j’étais aussi socialement perdant et incapable que lui, vu le faible nombre de personnes que je fréquente. Or, je restreins volontairement mon cercle d’amis car je suis relativement sélectif. Il ne comprend pas que, contrairement à lui, je ne ressens pas de frustration et que je peux apprécier la solitude et que je ne veux pas fréquenter des personnes que je méprise alors que lui est capable de mettre de côté sa dignité pour fréquenter des gens qu’il déteste afin d’avoir sa « dose » de contact social. Bref, il a ressenti de la jalousie envers moi parce que j’ai « le privilège » d’avoir une amie de sexe féminin, alors qu’il pensait que j’étais comme lui. Il s’est alors défoulé sur le chat qui symbolise I.
    – Le sujet est également jaloux du chat car selon lui suis affectueux avec le chat, je le caresse et lui accorde de l’attention mais pas à lui.

    Merci par avance

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