Inquiétudes autour des pilules de troisième et quatrième générations

© Inquiétudes autour des pilules de troisième et quatrième générations

L'Agence Nationale de Sécurité du Médicament a lancé une concertation sur ces pilules soupçonnées d'aggraver les risques de phlébite et d'embolie.

Une jeune Française porte plainte contre un laboratoire
Mi-décembre, Marion Larat, une jeune femme victime d'un AVC (accident vasculaire cérébral) a déposé plainte pour « atteinte involontaire à l'intégrité de la personne humaine » contre le laboratoire Bayer, fabricant la pilule contraceptive Meliane qui, selon une expertise médicale, « pouvait être responsable de l'accident, d'autant que les accidents sont plus fréquents dans la 1ère année de prescription ». L'AVC de Marion a eu lieu en juin 2006, alors qu'elle était âgée de 18 ans, et il a entraîné une hémiplégie et une paralysie faciale. Aujourd'hui, Marion est handicapée à 65%. Si sa plainte constitue une première en France, il n'en va pas de même aux Etats Unis où 13 500 plaintes ont été déposées contre la pilule de Bayer.
D'autres procédures (visant d'autres fabriquants tels que Schering, Merck et Pfizer) devraient suivre dans les prochaines semaines : au moins une trentaine de femmes âgées de 17 à 48 ans, victimes d'AVC, d'embolies pulmonaires, de phlébites ou de thromboses veineuses qui pour certaines ont laissé de lourdes séquelles (hémiplégie, tétraplégie, aphasie, épilepsie). Parmi elles, Isabelle, dont la fille Delphine, 26 ans, a succombé à une embolie pulmonaire.

La pilule de 3ème génération, qu'est-ce que c'est ?
La pilule contraceptive est un traitement (comprimés pris par voie orale) dont le but est d'empêcher la survenue d'une grossesse non désirée. Le plus souvent, la pilule est constituée par l'association de 2 hormones : oestrogènes et progestérone, plus rarement par de la progestérone seule.
On parle de pilule de 1ère, 2ème, 3ème ou 4ème génération en fonction du type de progestatif contenu dans la pilule. L'oestrogène est identique quelle que soit la pilule (éthinylestradiol).

La pilule de 1ère génération a été commercialisée dans les années 60
Fortement dosée en oestrogènes (30 à 50 microgrammes d'éthinylestradiol) et en progestatif (norgestriénone ou noresthistérone), elle n'est quasiment plus prescrite à cause de ses nombreux effets indésirables (migraines, troubles vasculaires, nausées, gonflement des seins).
Il s'agit de :

  • Miniphase (n'est plus commercialisée)
  • Orthonovum 1/35 (n'est plus commercialisée)
  • Triella

La pilule de 2ème génération a été commercialisée dans les années 70 – 80
Elle est identique à la pilule de 1ère génération pour le dosage en éthinylestradiol, mais elle y associe d'autres progestatifs (norgestrel et lévonorgestrel) permettant de diminuer les doses d'oestrogènes et de réduire certains effets secondaires de la pilule de 1ère génération. Le risque de thrombose veineuse, bien que fortement atténué, demeure cependant, notamment en cas d'antécédents familiaux.
Il s'agit de :

  • Adépal
  • Amarance
  • Daily
  • Evanecia
  • Leeloo
  • Lovavulo
  • Ludéal
  • Minidril
  • Optilova
  • Pacilia
  • Perléane
  • Stédiril
  • Trinordiol
  • Zikiale

La pilule de 3ème génération a été commercialisée dans les années 90
Elle est moins dosée en oestrogènes et contient un progestatif de synthèse dit « de 3ème génération » : gestodène, désogestrel, norgestimate ou drospirénone, supposé réduire l'acné et la prise de poids, et limiter les risques cardio-vasculaires.
Il s'agit de :

  • Carlin 75/20
  • Carlin-30
  • Cilest
  • Cycléane 20
  • Cycléane-30
  • Desobel 150/20
  • Desobel 150/30
  • Désogestrel Ethinylestradiol Biogaran 150/20
  • Désogestrel Ethinylestradiol Biogaran 150/30
  • Edenelle
  • Efezial 75/20
  • Efezial 30
  • Effiprev
  • Felixita 75/20
  • Felixita 30
  • Gestodène Ethinylestradiol 60/15 Biogaran / Teva
  • Gestodène Ethinylestradiol 75/20 Actavis / Arrow / Biogaran / EG / Ranbaxy / Ratiopharm / Sandoz / Teva / Zentiva / Zydus
  • Harmonet
  • Méliane
  • Mélodia
  • Mercilon
  • Minesse
  • Minulet
  • Mirlette
  • Moneva
  • Optinesse Gé 15
  • Perléane Gé
  • Phaeva
  • Sylviane
  • Triafemi
  • Tricilest
  • Tri-Minulet
  • Triafémi
  • Varnoline
  • Varnoline continu

La pilule de 4ème génération (la plus récente)
Le progestatif le plus souvent utilisé est la drospirénone. Ses effets secondaires sont à peu près les mêmes que ceux de la pilule de 3ème génération.
Il s'agit de :

  • Belanette
  • Bélara
  • Convuline
  • Drospibel 20
  • Drospibel 30
  • Jasmine
  • Jasminelle
  • Jasminelle continu
  • Qlaira
  • Rimendia
  • Yaz
  • Zoely

Une dangerosité reconnue depuis près de 20 ans
Dès 1992, un rapport du Pr Alfred Spira concluait qu'aucune étude scientifique n'avait démontré l'intérêt clinique de la pilule de 3ème génération.

En 1995, des études publiées dans la revue anglaise The Lancet révèlaient que les pilules de 3ème génération (qui venaient d'être mises sur le marché) augmentaient les risques de phlébite ou d'embolie pulmonair. Ce risque est de :

  • 3,9 cas par an pour 100 000 femmes ne prenant pas la pilule
  • 10,3 cas par an pour 100 000 femmes prenant une pilule de seconde génération
  • 21,3 cas par an pour 100 000 femmes prenant une pilule de 3ème génération.

En 2007, la HAS (Haute Autorité de la Santé) se saisissait du dossier des contraceptifs oraux de 3ème génération pour en évaluer l'ASMR (Amélioration du Service Médical Rendu), c'est-à-dire l'analyse comparée des apports et des risques par rapport aux contraceptifs oraux de 2ème génération. Sa conclusion était claire :
« Compte tenu de l’augmentation du risque de survenue d’accidents thromboemboliques veineux et d’AVC ischémique associée aux contraceptifs oraux de 3ème génération, de l’absence d’étude prospective comparative permettant d’évaluer le bénéfice apporté par les contraceptifs oraux de 3ème génération versus les contraceptifs oraux de 2ème génération, la Commission de la transparence considère que les contraceptifs oraux de 3ème génération n’apportent pas d’amélioration du service médical rendu (ASMR V) par rapport aux contraceptifs oraux de 2ème génération".
Et de préciser que leur prescription devait se faire en seconde intention, aux femmes ne supportant pas la pilule de 2ème génération.

L'inquiétude des médecins
Aujourd'hui, la forte médiatisation de l'affaire fait craindre aux médecins que les femmes rejettent en bloc la contraception orale. Ils redoutent que cela crée une psychose et que des femmes renoncent à prendre la pilule, s'exposant par là-même à une grossesse non désirée, et les obligeant à recourir à une IVG.

Les décisions du Ministère de la Santé
Le Ministère de la Santé s'est saisi de l'affaire et a annoncé 2 mesures :

  1. Ne plus rembourser les pilules de 3ème génération à partir de septembre 2013, date avancée ensuite à mars 2013.
  2. Réserver leur prescription à des spécialistes (prescription en 2ème intention, réservée aux femmes ne supportant pas la pilule de seconde génération) : cette annonce a été contredite par le directeur de l'ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament), qui estime que cela n'est « pas à l'ordre du jour », et multiplie les réunions de concertation avec les professionnels de la santé.