Cancer du cerveau : espoir de traitement grâce à un médicament utilisé contre le paludisme

© Cancer du cerveau : espoir de traitement grâce à un médicament utilisé contre le paludisme

Une équipe de chercheurs de l’Université du Colorado a réussi à stopper la progression d’un glioblastome, une des formes les plus graves de cancer du cerveau, en administrant à leur patiente un traitement utilisé habituellement pour soigner le paludisme.
Explications.

 

Le glioblastome est une des formes les plus redoutables de cancer du cerveau (qui touche particulièrement les enfants).

Une Américaine du Colorado, Lisa Rosendhal, âgée de 26 ans, en est atteinte et le traitement habituel (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie) a échoué, le condamnant à une survie de quelques mois seulement.

Les médecins qui s’occupent d’elle lui ont donc proposé un traitement pour le moins inattendu : avoir recours à la chloroquine, une molécule utilisée dans le traitement du paludisme.
Lisa a accepté, et si elle n’est pas considérée comme guérie, l’évolution de son cancer est stoppée.

 

Comment un anti-paludéen peut-il agir contre des cellules cancéreuses ?
La molécule utilisée, la chloroquine, a 2 fonctions : elle est cytotoxique (c’est-à-dire qu’elle nuit à la cellule, pouvant aller jusqu’à la détruire) et elle stimule l’autophagie.
C’est cette deuxième propriété qui a incité les chercheurs à expérimenter son effet sur le glioblastome de Lisa.

 

Qu’est-ce que l’autophagie ?
L’autophagie est une des 3 façons dont une cellule peut mourir.

En effet, nos cellules se renouvellent en permanence, et cela grâce à 3 mécanismes :

  • la nécrose, provoquée par une agression extérieure ou naturellement à cause du vieillissement cellulaire :
    la cellule et ses constituants éclatent. Le contenu de la cellule se déverse dans le milieu environnant, notamment les lysosomes (sorte de « système digestif » de la cellule, qui contient donc des molécule corrosives), ce qui peut entraîner une inflammation.
     
  • l’apoptose, mort programmée de la cellule : 
    la cellule « se suicide » en se scindant en fragments qui sont digérés par des cellules « éboueurs », les macrophages
     
  • l’autophagie, c'est-à-dire, comme son nom l’indique, le fait de se manger soi-même :
    la cellule détruit elle-même une partie de son contenu (le cytoplasme) ce qui permet un nettoyage des déchets cellulaires accumulés dans les lysosomes (sortes de « sacs poubelle »).                                                                                                                     

L'autophagie est donc un processus naturel, programmé génétiquement, indispensable au bon fonctionnement de notre organisme.
"Les mutations des gènes de l'autophagie peuvent provoquer des maladies et le processus autophagique est impliqué dans plusieurs affections comme le cancer et les maladies neurologiques(Assemblée Nobel de l'INstitut Karolinska).

En effet, comme l'explique Isabelle Vergne, chercheuse au CNRS, "ce processus est très important car si la cellule n'est pas capable de se nettoyer, on va avoir une accumulation de déchets. (…) Si ce processus est complètement déréglé, ça peut entraîner de nombreuses pathologies" maladies infectieuses, arthrose, diabète, obésité, artériosclérose, maladies cardiovasculaires, maladies intestinales, maladie de Parkinson, maladie d'Alzheimer, cancers, …

Le Pr Guido Kroemer, chercheur à l'Inserm, l'affirme lui aussi : "La plupart des grandes pathologies sont liées à une insuffisance ou à un dysfonctionnement du processus autophagique".

Les cellules cancéreuses étant incapables de s'"autonettoyer" et d'éliminer leurs déchets, les médecins qui suivent Lisa ont donc décidé de stimuler les réactions d’autophagie de son organisme pour provoquer l’autodestruction de ses cellules cancéreuses.

Face à l’effet positif de ce traitement, 3 autres patients ont été choisis pour suivre le même protocole.

Les études se poursuivent pour explorer cette piste prometteuse de l’autophagie pour stopper la progression du glioblastome (et pourquoi pas d’autres cancers).
La chloroquine n’est pas la seule molécule capable de provoquer cette autodestruction des cellules cancéreuses, et d’autres substances sont expérimentées (anticoagulants, antidépresseurs, …).

 

Rappel :
Le terme « tumeur du cerveau » recouvre différents types de pathologies qui portent un nom différent selon la zone du cerveau qui est affectée. Ainsi on parle par exemple de :

Glioblastome : tumeur touchant les cellules gliales, qui entourent et isolent les neurones

Astrocytome : tumeur touchant certaines cellules gliales en forme d’étoile appelées astrocytes

Oligodendrogliome : tumeur touchant certaines cellules gliales appelées oligodendrocytes

Épendymome : tumeur touchant des cellules appelées épendymocytes situées au niveau des ventricules et de l’épendyme

Médulloblastome : tumeur touchant le cervelet

Méningiome : tumeur touchant les méninges

Crédit photo : Medically accurate 3d illustration of headhache / migraine – Sebastian Kaulitzi – Shutterstock.com

Sources :
Autophagy inhibition overcomes multiple mechanisms of resistance to BRAF inhibition in brain tumors – Elifesciences.org

Nobel de médecine : l'autophagie, une clé pour vieillir en bonne santé ? – www.sciencesetavenir.fr

Prix Nobel de médecine 2016 : Yoshinori Ohsumi récompensé pour ses travaux sur l'autophagie